Trans et violence physique

Spécialiste du wokisme, Pierre Valentin analyse la légitimation du recours à la violence par le mouvement trans, et s’inquiète de l’apparition d’un « terrorisme trans ».
Comment expliquer l’essor récent du mouvement trans ?
Tout d’abord, précisons que le mouvement « trans » contemporain se distingue à certains égards des transsexuels « à l’ancienne ». 
Jadis, on avait des hommes, en nombre insignifiant, qui voulaient devenir des femmes. Aujourd’hui, et dans des proportions de moins en moins ridicules, on constate que ce sont très majoritairement des jeunes filles qui souhaitent basculer de l’autre côté de la frontière du sexe. De plus, ces dernières sont « mal dans leur peau » au sens propre du terme : on observe qu’il y a par exemple une forte surreprésentation d’autistes dans les demandeurs de transition, et que le nombre de suicides (plus élevé encore que chez les homosexuels) ne baisse pas ou peu post-transition chirurgicale. Il y a donc bien souvent préalablement des fragilités psychologiques qui sont ensuite exploitées. Plus généralement, les troubles mentaux chez les jeunes filles qui ont grandi dans les grandes villes explosent en Occident depuis l’arrivée des réseaux sociaux, et notamment d’Instagram, comme l’a abondamment démontré le psychologue américain Jonathan Haidt.
Ce mouvement a-t-il déjà cédé à la tentation de la violence physique ? 
Il y a de plus en plus d’exemples de passages à l’acte. En 2019, un trans avait abattu un étudiant et en avait blessé huit autres pour des motifs explicitement idéologiques, au Colorado. En mars dernier, une femme a « transitionné » avant d’abattre à Nashville trois adultes et trois enfants dans une école primaire chrétienne. Elle a laissé derrière elle un manifeste auquel nous n’avons pas eu accès. Si ses motivations n’ont pas été explicitées, nous savons pourtant qu’elle avait mal digéré sa relation compliquée avec ses parents catholiques qui avaient émis des réserves au sujet de sa transition. 
Cette violence est-elle circonscrite aux États-Unis ? 
Il faut rappeler qu’il y a peu de pays occidentaux dans lesquels il est aussi facile de se procurer des armes à feu que les États-Unis. 
Par contre, on a vu à Bruxelles une conférence de Caroline Eliacheff et Céline Masson au Café laïque être interrompue par des activistes le 15 décembre 2022. Certains hurlaient des slogans tandis que d’autres utilisaient des trompettes de supporters. Ils ont jeté des excréments à l’intérieur du café, tout en étant masqués, aidés par des militants qui avaient réussi à s’infiltrer au sein de la conférence. Il y a là clairement une volonté de terroriser, de marquer un précédent.  On a donc déjà dépassé en Belgique le stade des annulations purement numériques, purement « virtuelles ». Pour tenir une conférence qui alerte sur les dangers de la transidentité dans les jeunes générations à Bruxelles par exemple, il faudra bientôt avoir le courage – et le dispositif de sécurité – de celui qui donne une conférence sur l’islamisme à Molenbeek.
Qu’est-ce qui fait qu’un activiste trans se sente prêt à passer à l’acte ? 
Un tour de passe-passe sémantique est souvent utilisé par les militants. Certaines personnes disent que « la transidentité » ne veut rien dire ; qu’il n’y a que des hommes et des femmes, et que la frontière entre les deux est infranchissable. Autrement dit, un « trans », ça n’existe pas, contrairement à des personnes qui souffrent de « dysphorie de genre », qu’il faut aider. Or, ce propos est tordu pour lui faire dire, dans un premier temps, « nous ne souhaitons pas que les trans existent en tant que personnes », puis carrément « il faut tuer les personnes qui se disent trans ». Ils sont même de plus en plus nombreux à se convaincre qu’un génocide des « trans » serait possible, voire imminent.
Or, que fait-on lorsqu’on se sent collectivement en danger de mort à tout instant ? On se met en ordre de bataille, on s’organise, et on riposte. Dans les sphères numériques, on note une radicalisation du discours, avec notamment la présence du hashtag #KillAllTERFS. Certains font des postes pour appeler à des « Trans Day of Vengeance ». Cette violence dans les discours, puis dans les actes, se justifie par une logique d’auto-défense. Ils se disent « c’est eux ou c’est nous ». Comme dans l’islamisme, ils flottent dans un bain idéologique particulièrement toxique qui va favoriser un passage à l’acte au sein des 0,01 % des moins psychologiquement stables d’entre eux.
Cette tendance pourrait-elle s’accentuer dans les années à venir ? 
Il est clair a minima que deux dynamiques vont très certainement s’emballer : d’un côté le vase clos intellectuel dans lequel vivent ces militants ne pourra que se radicaliser, comme toute dynamique révolutionnaire, et de l’autre côté la quantité de « trans » ne cessera d’augmenter, au moins dans un avenir proche. On peut ainsi légitimement en déduire que ce 0,01 % – cette ultra-minorité au sein d’une ultra-minorité en somme – risque de générer un phénomène de violence bien plus fréquent et structurel dans les prochaines années, particulièrement pour ce qui est des États-Unis dans un premier temps.
D’où proviennent les origines théoriques de cette logique d’inversion accusatoire systématique rebaptisée « légitime défense », voire « instinct de survie » ? 
La principale au sein du gauchisme au sens large puis du wokisme me semble être Herbert Marcuse de l’école de Francfort. Son influence sur les années 1960 en France mais avant tout aux États-Unis (qu’il compare à l’Allemagne nazie) est colossale. Dans une optique « dissidente », il développe dans plusieurs ouvrages – notamment dans son texte sur la « tolérance répressive » – une structure argumentative en forme de balle rebondissante. On comprend vite que pour lui, plus « le système » qu’il décrit et décrie est paré de tous les vices, plus le révolutionnaire s’empare non seulement du droit mais également du devoir d’user de ces mêmes vices afin de « résister ». En accusant la société états-unienne des années 1950-60 d’être « anti-démocratique », il justifie d’un même geste le fait d’user de moyens anti-démocratiques afin de rétablir la « vraie démocratie ». De la même façon, afin de lutter contre la société violente, il faudrait user de violence, car la violence « révolutionnaire » n’est pas comparable à la violence « réactionnaire ».
Quand Geoffroy de Lagasnerie affirme sur France Inter en septembre 2020 qu’il « assume totalement le fait qu’il faille reproduire un certain nombre de censures dans l’espace public, pour rétablir un espace où les opinions justes prennent le pouvoir sur les opinions injustes », il développe un syllogisme marcusien : l’éloge de la censure des « dominants » au nom de la lutte contre un système qui censurerait les « dominés » ; censurer pour lutter contre la censure. 
C’est d’ailleurs la même structure théorique qui gouverne la nébuleuse « antifa ». Une part du mouvement trans reprend et radicalise cette structure argumentative orwellienne, et dit : « Puisque le système transphobe veut nous génocider… »

COUPS DE GOURDINS À ASSAS Par Rémi Carlu.
Phénomène purement américain, les violences trans ? Détrompez votre bonne conscience française: le jeudi 22 juin au matin, cinq individus portant masques chirurgicaux et foulards ont agressé des universitaires réunis à l’Université Paris-Panthéon-Assas pour un colloque de droit consacré à la question trans. Après une heure et demie d’échanges, les intervenants ont reçu des jets de peinture, de boules puantes, de vis et d’autres objets métalliques, au cri de : « La fac nous appartient » et « Non aux transphobes ». D’abord interrompu, le colloque a pu se poursuivre dans une autre salle. Co-organisé par Xavier-Laurent Salvador, l’événement avait fait l’objet de multiples pressions, notamment par l’association SOS Homophobie qui dénonçait un rassemblement « pourvoyeur de haine et contraire aux valeurs de la République ». 
Le président d’Assas Stéphane Braconnier a porté plainte, et confirmé la tenue d’un autre colloque sur le même thème en 2024. L’histoire ne dit pas combien de jambes les cinq fuyards ont prises à leur cou.

cet article a paru initialement dans le numéro de Juillet de la revue "L'Incorrect"

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