Les ridicules légendes de la Bastille

Supposons qu'on apprenne ce soir qu'une bande de communistes, grossie des éléments louches de la population, a donné l'assaut à la prison de la Santé, massacré le directeur et les gardiens, délivré les détenus politiques et autres. 
Supposons que cette journée reste dépourvue de sanctions, que, loin de là, on la glorifie et que les pierres de la prison emportée d'assaut soient vendues sur les places publiques comme un joyeux souvenir. Mieux ! Qu'on décide de commémorer l'événement chaque année !
Que se passerait-il ?
D'abord les citoyens prudents commenceraient à penser qu'il ne serait pas maladroit de mettre en sûreté leurs personnes et leurs biens. Tel fut, après 1789, le principe de l'émigration. (Mais peut-être y aurait-il aujourd'hui plus de français qu'en 1789 pour accuser l'imprévoyance et la faiblesse du gouvernement et pour les sommer de résister à l'émeute ?)
Aujourd'hui le sens primitif du 14 juillet devenu fête nationale est un peu oublié et l'on danse parce que c'est le seul jour de l'année où des bals sont permis dans les rues. 
Mais reportons nous au 14 juillet 1789 comme si nous en lisions le récit pour la première fois. 
Il nous apparaîtra qu'il s'agissait d'un très grave désordre, dont l'équivalent ne saurait être toléré sans péril pour la société, et qui a conduit tout droit en effet à la Terreur et au règne de la guillotine. Et le gouvernement qui a laissé s'accomplir sans résister ces choses déplorables serait digne des plus durs reproches.
Nous avons connu un vieux légitimiste qui disait, en manière de paradoxe, que Louis XVI était la seule victime de la Révolution dont le sort fût justifié. 
Quel avait donc été le tort de Louis XVI ? 
Quand on lit les Mémoires de Saint-Priest, on s'aperçoit que l'erreur du gouvernement de 1789 n'a pas été d'être tyrannique (il n'était même pas autoritaire) ni d'être hésitant, ni d'être fermé aux aspirations du siècle. 
Son erreur, énorme et funeste, a été de ne pas croire au mal. De ne pas croire qu'il y eût de mauvaises gens, des criminels capables de tout le jour où ils ne rencontrent plus d'obstacle.
Saint-Priest montre Louis XVI dans toutes les circonstances et jusqu'au 10 août, ou peu s'en faut, convaincu que tout cela s'arrangerait et que ni les émeutiers de la Bastille ni les révolutionnaires n'étaient si méchants qu'on le disait, et d'ailleurs, au moins au début, bien peu de personnes le pensaient. 
A la Convention, pendant son procès, Louis XVI répondait encore poliment, comme à des juges impartiaux et intègres. 
D'ailleurs on peut voir dans les Mémoires de Broussilof que Nicolas II avait sur l'espèce humaine exactement les mêmes illusions, les mêmes illusions mortelles. Malheur aux peuples dont les chefs ne veulent pas savoir qu'il existe des canailles et restent incrédules quand on leur dit qu'il suffit d'un jour de faiblesse pour lâcher à travers un pays ses plus sinistres gredins ! 
C'est sous le règne de Charles V, en 1370, que fut édifiée la Bastille destinée à défendre la Porte Saint-Antoine et les remparts de l'est de Paris, et cette Bastille ou Bastide Saint-Antoine, était initialement un véritable château-fort et un arsenal. Elle faisait 66 mètres de long pour 34 mètres de large et 24 mètres de hauteur au niveau des tours, et était entourée de fossés de 8 mètres de profondeur.
C'est le cardinal de Richelieu qui la transforma en prison d’État - plutôt confortable du reste... - pour les personnes de qualité (nobles, grands bourgeois) qui disposaient de grandes pièces avec repas fins et d'un domestique.
La Bastille - représentée ci dessous sur une gravure du XVIIIème - comportait également un quartier pour les prisonniers communs, ainsi que des cachots (et non des oubliettes) qui servaient de punitions aux prisonniers insubordonnés comme, par exemple, le fameux Latude.
Or, il se trouve que, depuis la Révolution, la Bastille est l'objet d'une falsification historique sans précédent et d'une ahurissante réécriture des évènements qui laisse rêveur et qui est bien l'une des choses les plus stupéfiantes, mais aussi les plus sordides, qui soient.
Revenons y quelques instants...
N'ayant plus aucune valeur militaire depuis des lustres, totalement sous exploitée en tant que prison d'État, et gênant l'accroissement de la capitale vers l'est, il y avait bien longtemps que les rois avaient résolu sa disparition. Seules les difficultés financières chroniques de la royauté retardaient sa disparition.
En 1789 eut lieu, ici, l'un des événements les plus ignobles d'une Révolution qui n'en manque pourtant pas. Le gouverneur de Launay accepta de céder - sans combat - la forteresse aux émeutiers, à la condition expresse qu'il ne serait fait aucun mal à personne. Moyennant quoi, une fois les portes ouvertes, la garnison fut massacrée, et les têtes promenées au bout de piques...
"C'est ainsi que l'on se venge des traîtres.Gravure de 1789 dépeignant des soldats ou des miliciens portant les têtes de Jacques de Flesselles et du marquis de Launay sur des piques.
Le pseudo mythe d'une prétendue "prise de la Bastille" - prise qui n'a jamais eu lieu puisque la citadelle s'est rendue sans combattre - mêle donc le mensonge à l'ignoble dans une réécriture volontairement falsificatrice de la vérité historique, où le burlesque le dispute au tragique et à l'horreur :
"La culture politique qui peut conduire à la Terreur est présente dans la révolution française dès l'été 1789", explique François Furet et la prise de la Bastille inaugure "le spectacle de sang, qui va être inséparable de tous les grands épisodes révolutionnaires..."
(Source La Faute à Rousseau)
Il faut savoir que la date choisie par le gouvernement républicain de 1887 pour créer le jour de la Fête Nationale n'est pas le 14 juillet 1789 mais le 14 juillet 1790 ... En effet, lorsqu'il a fallut choisir une date, certains proposèrent la date de "prise" de la Bastille, mais comme il y avait eu des morts, cette date fut écartée. On proposa alors la chute de la Monarchie mais à l'époque il y avait encore beaucoup de royalistes à l'assemblée aussi cette date fut également écartée. 
On choisit alors le 14 juillet 1790, date à laquelle fut célébrée la Fête de la Confédération. 
Je pense que beaucoup de Français ignorent ce détail...

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