Le Purgatoire est il une invention catholique ?

Tous les chrétiens, de par leur foi en Jésus-Christ et en la Parole de Dieu contenu dans les Saintes Ecritures, croient au paradis et à l’enfer. 
Que l’on songe par exemple au grand récit du Jugement dernier en Matthieu 25, où Jésus annonce pour les uns « le Royaume préparé pour [eux] depuis la Création du monde » (25. 34) et pour les autres « le feu éternel préparé pour le démon et ses anges » (25. 41). Il n’est donc pas douteux pour un disciple du Christ qu’au terme de notre vie, selon le Jugement de Dieu, nous irons les uns « à la vie éternelle », les autres au « châtiment éternel » ; au Paradis ou en enfer (Mt 25. 46).
L’Eglise catholique indique cependant une troisième destination possible pour les âmes : le Purgatoire.
Le Purgatoire, selon l’enseignement de l’Eglise catholique, est un état de purification accordé par Dieu à tous ceux qui, bien que Sauvés par leur foi en Jésus-Christ, auraient encore besoin d’être lavés des conséquences de leurs fautes, et purgés des mauvaises habitudes contractées par leur péché.
Cette troisième destination n’est en rien comparable au Paradis ou à l’enfer, puisqu’à la différence de l’un et de l’autre, le Purgatoire ne durera qu’un « temps » ; il n’est pas éternel et cessera d’exister à la fin des temps. Le Purgatoire n’est donc pas une troisième voie alternative au Paradis et à l’enfer. Il est le « sas » qui conduit l’homme sauvé de l’ombre de son péché à la pure lumière de Dieu : il est chemin vers le Ciel.
Ne sont donc admis au Purgatoire que les Sauvés. 
Le Purgatoire n’est nullement une session de rattrapage pour ceux qui auraient vécu leur vie terrestre égoïstement, dans le mépris de Dieu et des hommes – ceux-là devront assumer pour l’éternité devant Dieu les conséquences de leurs actes. « Il est réservé aux hommes de mourir une seule fois, nous dit l’Ecriture, après quoi vient le jugement. » (Heb. 9. 27). Le Purgatoire est donc une grâce offerte par Dieu après ce jugement à tous ceux qui, s’étant entièrement repentis de leurs fautes et ayant obtenu le pardon de Dieu, n’auraient pas encore achevé leur conversion intérieure sur cette terre, conservant quelque compromission avec le mal, et n’étant pas complètement disposés à vivre la plénitude de la grâce et de l’amour de Dieu dans l’éternité du Royaume « où rien de souillé ne peut pénétrer » (Ap. 21. 27).
Cette croyance dans l’existence du Purgatoire est un dogme de l’Eglise catholique. C’est-à-dire : une vérité que celle-ci estime divinement révélée. C’est pourquoi il n’est pas permis à un fidèle catholique de la contester. 
C’est ce qu’ont affirmé très explicitement les conciles de Florence et de Trente.
Concile de Florence – 1439 : « Nous déclarons que les âmes des véritables Pénitents, morts dans la charité de Dieu, avant que d'avoir fait de dignes fruits de pénitence pour expier leurs péchés de commission ou d'omission, sont purifiés après leur mort par les peines du Purgatoire ».
Concile de Trente – 1545-1563 : « Si quelqu'un dit qu'à tout pécheur pénitent qui a reçu la grâce de la justification, l'offense est tellement remise et l'obligation à la peine éternelle tellement effacée et abolie, qu'il ne lui reste aucune peine temporelle à payer, soit en cette vie, soit en l'autre dans le Purgatoire, avant que l'entrée au Royaume du Ciel puisse lui être ouverte, qu'il soit anathème » (c’est-à-dire hors du Corps de la Pensée de l’Eglise universelle).
Ces deux conciles, intervenus tardivement dans l’Histoire de l’Eglise, expliquent sans aucun doute pourquoi certains considèrent le Purgatoire comme une « invention » sur le tard de l’Eglise catholique.
Toutefois, il convient de noter que dix siècles avant le Concile de Trente, le Pape Saint Grégoire le Grand (540-604), affirmait déjà que : « Pour ce qui est de certaines fautes légères, il faut croire qu'il existe avant le jugement un feu purificateur, selon ce qu'affirme Celui qui est la Vérité, en disant que si quelqu'un a prononcé un blasphème contre l'Esprit Saint, cela ne lui sera pardonné ni dans ce siècle-ci, ni dans le siècle futur (Mt 12,31). Dans cette sentence nous pouvons comprendre que certaines fautes peuvent être remises dans ce siècle-ci, mais certaines autres dans le siècle futur » (Dialogues 4. 39).
Il est donc manifeste que le Purgatoire « existait » dans la pensée de l’Eglise bien avant les conciles de Florence et de Trente. 
Sainte Monique a adressé demande, peu avant de mourir, à son fils Saint Augustin, de se souvenir de son âme à chacune de ses messes (Confessions, 9. 11). Requête qui n’aurait pas grand sens si Monique ne croyait pas que son âme pouvait être aidée par des prières – chose inconcevable au Paradis (où l’âme est pleinement comblée par Dieu) ou en enfer (où elle ne peut plus jouir de la moindre consolation ni de la moindre assistance de quiconque). 
Il est évident que si de telles prières ont pu être composées, c’est parce que nos Pères dans la foi croyaient en la réalité du Purgatoire, même s’ils n’en avaient pas le mot.
L’histoire de l’Eglise nous révèle donc l’existence d’une croyance commune, dès les origines du christianisme, en la possibilité de prier et d’offrir des sacrifices pour les défunts qui ne seraient ni au Paradis ni en Enfer, et donc – même s’il a fallu de nombreux siècles pour que l’Eglise précise sa pensée sur cette réalité mystérieuse, sous la conduite du Saint Esprit (cf. Jn 16. 13) – en l’existence du Purgatoire.
Il est dès lors inexact de prétendre que le Purgatoire serait une « construction théologique » tardive et artificielle de l’Eglise catholique. 
Curieusement, il n’existe, dans les années immédiatement postérieures à l’âge apostolique, pas la moindre trace de protestation contre l’insertion du Purgatoire (ou de la prière en faveur des morts) comme d’une doctrine nouvelle.
Ceux qui affirment que le Purgatoire serait une invention de l’Eglise catholique se trouvent confrontés, on le voit, à une double difficulté : 1°) définir la datation de l’introduction de cette « nouveauté », et 2°) expliquer l’absence de toute controverse au moment de cette prétendue introduction.

Mais il est un autre élément de preuve encore plus décisif : c’est le témoignage même de l’Ecriture qui atteste de l’existence, dans le judaïsme des derniers siècles avant Jésus-Christ, de cette antique pratique de la prière pour les défunts. 
Ainsi, pouvons-nous lire, dans le deuxième livre des Maccabée : « Le jour suivant, on vint trouver Judas Macchabée pour relever les corps de ceux qui avaient succombé [au combat] et les inhumer avec leurs proches dans le tombeau de leurs pères. Or, ils trouvèrent sous les tuniques de chacun des morts des objets consacrés aux Idoles, que la Loi interdit aux Juifs (…). Tous donc (…) se mirent en prière pour demander que le péché commis fût entièrement effacé (…). Si Judas n’avait pas espéré que les soldats tombés dussent ressusciter, il était superflu et sot de prier pour les morts, et s’il envisageait qu’une très belle récompense est réservée à ceux qui s’endorment dans la piété, c’était là une pensée sainte et pieuse. Voilà pourquoi il fit faire ce sacrifice expiatoire pour les morts, afin qu'ils fussent délivrés de leur péché ». Ce texte est essentiel pour notre propos, car il est évident que ce n’est ni au Paradis, ni en enfer que quiconque peut être délivré de ses péchés ! Même si de nombreux chrétiens ne reconnaissent pas la valeur canonique de ce texte, il reste que sa valeur historique, elle, est incontestable. Il constitue donc un précieux témoignage de ce qu’était la croyance d’une partie du judaïsme peu avant l’arrivée de Jésus. Et là encore, nous voyons bien que l’Eglise catholique n’a rien « inventé » ; que la croyance dans le Purgatoire remonte au judaïsme, même si elle n’a été définie dogmatiquement par l’Eglise qu’en 1439, au Concile de Florence, à l'occasion des controverses avec les Grecs.
Il est vrai que le mot « Purgatoire » ne se trouve pas dans l’Ecriture. Mais les mots « Trinité » et « Incarnation » non plus ! Et pourtant, la Bible nous parle bien de l’une et de l’autre ! Eh bien ainsi en est-il du Purgatoire. 
Passons sur 2 Maccabée déjà cité, et non reconnu par tous. Plusieurs paroles de Jésus pourraient être comprises comme renvoyant à la réalité du Purgatoire. Songeons à Mt. 12. 32 (cité plus haut par Saint Grégoire le Grand) : « Si quelqu’un parle contre l’Esprit Saint, dit Jésus, cela ne lui sera pardonné ni en ce monde-ci, ni dans le monde à venir ». Dans ce passage, le Seigneur évoque des péchés qui pourraient être pardonnés non « en ce monde-ci », mais « dans le monde à venir ». Comme il ne peut s’agir du Paradis (où tout est déjà pardonné), ni de l’enfer (où il n’y a plus de possibilité de pardon), il ne peut être question ici que du Purgatoire. Il est intéressant de noter que Jésus « canonise » dans ce passage l’attitude de Judas Macchabée, qui croyait en la possibilité d’intercéder pour les défunts, et de leur obtenir « dans le monde à venir » la délivrance de leur péché.

Mais il existe d’autres références évangéliques. Ainsi en Mt. 5. 25-26 : « Hâte-toi, dit Jésus, de t’accorder avec ton adversaire tant que tu es encore avec lui sur le chemin, de peur que ton adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et qu'on ne te jette en prison. Amen, je te le dis, tu n’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier sou ». Dans cette péricope, Jésus évoque clairement la nécessité d’une réparation « jusqu'au dernier sou ». Il nous parle d’une prison – qui est un lieu de privation de liberté où nous satisfaisons à la pure justice –, et d’une peine temporaire puisque Jésus évoque la perspective d’une sortie de prison (inconcevable en enfer), ainsi que sa condition : que nous ayons « payé jusqu’au dernier sou ». Jésus nous donne aussi un moyen très simple pour éviter d’aller dans cette prison subir cette peine temporaire : c’est de s’accorder bien vite avec notre adversaire, tant que nous sommes en chemin avec lui…

Autre parole de Jésus : « Tout homme sera salé au feu » (Mc 9. 49)… Rappelons que le sel est ce qui donne goût à ce qui est fade (« c’est une bonne chose que le sel » dit Jésus au verset suivant). Or, Jésus nous parle d’un feu qui transformera l’homme fade en un homme « bon », ayant retrouvé toute sa saveur évangélique…

Saint Paul, dans son enseignement, est plus explicite encore : « Cette révélation [de l’œuvre de chacun au jour du jugement] se fera par le feu, et c’est le feu qui permettra d’apprécier la qualité de l’ouvrage de chacun. Si l’ouvrage construit par quelqu’un résiste, celui-ci recevra un salaire ; s’il est détruit par le feu, il perdra son salaire. Et lui-même sera sauvé, mais comme s’il était passé à travers un feu » (1 Co 3. 13-15). Ce passage à travers le feu ne peut faire référence ici à l’enfer qui ne conduit pas au Salut, ni au Paradis où il n’y n’a plus de destruction. Ce passage en vérité ne peut avoir de sens qu’en référence au Purgatoire, qui se présente comme ce feu « salant » l’homme sauvé, et détruisant ce qui est mauvais dans son ouvrage pour ne conserver que ce qui résiste.

La conception du Purgatoire comme lieu de purification et d’expiation des péchés commis par les hommes pardonnés et sauvés par Dieu n’est donc pas une pure invention de l’Eglise. Même si le mot est apparu tardivement au Concile de Florence, l’Ecriture Sainte, ainsi que l’Histoire du judaïsme et du christianisme, témoignent de l’existence dans le Peuple de Dieu d’une croyance séculaire en cette réalité mystérieuse du Purgatoire comme un feu temporaire, consumant toutes souillures et redonnant à l’âme – satisfaisant à la justice divine – toute sa saveur, la disposant à vivre pour l’éternité avec Dieu dans la compagnie des Saints et des bienheureux.

Cette croyance séculaire s’accompagne de la conviction qu’ici-bas, nous pouvons être utiles à nos défunts et leur obtenir des faveurs et des grâces ; que les liens de la charité par conséquent ne sont pas rompus avec la mort biologique, mais perdurent au contraire par delà la mort, en raison de la survivance de l’âme – qui est immortelle – et de la communion des saints (ou des « sauvés ») en Jésus-Christ ressuscité.
N’oublions donc pas nos chers défunts. Car s’ils ne peuvent plus rien pour eux-mêmes, nous pouvons ici-bas les soulager, les consoler, et même les délivrer des flammes purificatrices en leur obtenant ce que l’Eglise appelle des « suffrages ». Rappelons-nous en ce mois de novembre les différentes pratiques que l’Eglise recommande en faveur des défunts : la prière, le jeûne et l’aumône ; les indulgences gagnées à leur intention ; la sainte communion et surtout le Saint Sacrifice de la Messe offert à leur intention.
Et croyons que Dieu, dans sa Miséricorde, nous rendra au centuple le bien que nous aurons fait à toutes ces âmes qui lui sont si chères, et que celles-ci, une fois délivrées, dans leur reconnaissance éternelle, prieront Dieu pour nous, et nous deviendront des alliées précieuses et sûres tout au long de notre route vers le Ciel.

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