La restauration de l'unité dans la vérité

Aujourd'hui 19 juin, anniversaire du rappel à Dieu de Michel de Grosourdy, marquis de Saint-Pierre dit Michel de Saint Pierre (1916 – 1987)
Ceux qui, comme moi, ont connu la période de « l’après concile » et ont été les témoins consternés de l’espèce de tourbillon qui a tout emporté sous l’effet du vent de folie qui souffla dans les presbytères, sacristies, séminaires, maisons religieuses et évêchés, se souviennent nécessairement aussi de la noble figure de Michel de Saint Pierre, écrivain de renom, qui plaça justement sa renommée au service de la foi catholique dans cette crise sans précédent, et qui, avec autant de fermeté que de pondération, engagea sa plume alerte dans la défense de la Tradition de l’Eglise.
Pour tous les humbles fidèles du rang, et en particulier pour les jeunes gens que nous étions alors, les textes et les prises de paroles de l’écrivain furent tout à la fois un réconfort et un stimulant.
Lorsque, le 22 juillet 1976, fut rendue publique la sanction décidée par Paul VI contre Son Excellence Monseigneur Marcel Lefebvre pour avoir procédé à des ordinations sacerdotales dans et pour le rite latin traditionnel malgré l’opposition romaine, il se produisit alors une sorte d’onde de choc qui permit à de nombreux fidèles de commencer à prendre conscience du drame de l’autodémolition de l’Eglise, à laquelle ils assistaient, avec douleur, depuis une quinzaine d’années déjà.
Certains d’entre eux s’étaient déjà posé beaucoup de questions et avaient commencé à réagir ; des prêtres continuaient à célébrer la Sainte Messe latine traditionnelle de manière plus ou moins confidentielle – dans des lieux improbables parfois puisque leurs églises ou chapelles leur étaient interdites -; des mouvements s’organisaient de manière plus ou moins structurée ; et les langues se déliaient…
Nous n’avions évidemment pas alors le recul qui est aujourd’hui le nôtre, et, dans l’ensemble, nous espérions que le Souverain Pontife et les autorités romaines, animés d’une véritable « bonne volonté » et d’une « sincère bienveillance » envers la liturgie traditionnelle et les fidèles qui lui étaient attachés, voudraient ouvrir les yeux et mettre fin au flot destructeur. 
A la vérité, nous n’imaginions pas, nous ne pouvions pas imaginer – c’était naïveté sans doute -, que ceux qui se présentaient comme nos pères dans la foi donneraient des pierres aux enfants qui leur demandaient du pain… 
Voilà pourquoi, lorsque le 9 août 1976, des intellectuels français entrainés par Michel de Saint Pierre publièrent une lettre ouverte au pape Paul VI en faveur de Monseigneur Lefebvre et de la Messe traditionnelle, dans l’ensemble, nous espérions un apaisement, dans la charité et la vérité.
Las ! Nous avons bien vu depuis combien cette espérance filiale était illusoire.
Il reste que cette lettre des intellectuels français à l’adresse de Paul VI reste un document historique important pour l’histoire des combats de la Tradition catholique, et que, même si aujourd’hui nous ne pouvons plus souscrire entièrement à certaines de ses affirmations, il nous semble important de la relire : l’anniversaire de la mort de Michel de Saint Pierre nous en fournit une juste occasion.
Et pourquoi cet anniversaire ne nous redonnerait-il pas le goût de nous replonger dans l’œuvre engagée, et par certains côtés prophétiques, de cet écrivain à la foi exemplaire ?
Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur Blogue du Maître Chat Lully

<< Très Saint-Père,
Les sanctions qui viennent d’être prises contre Mgr Lefebvre et son séminaire d’Ecône ont créé une grande émotion en France. Bien au-delà des traditionalistes proprement dits, c’est la foule immense des catholiques français qui se sont sentis touchés.
Depuis des années, ils s’inquiètent de l’évolution de leur religion. Ils ne disent rien, n’ayant aucune qualité pour parler. Simplement, ils s’éloignent. C’est le cardinal Marty lui-même qui nous a récemment révélé que, de 1962 à 1975, la pratique dominicale avait baissé de 54 % dans les paroisses parisiennes. Pourquoi ? Parce que les fidèles ne reconnaissaient plus leur religion dans certaine liturgie et certaine pastorale nouvelles.
Ils ne la reconnaissent pas davantage dans le catéchisme qu’on enseigne maintenant à leurs enfants, dans le mépris de la morale élémentaire, dans les hérésies professées par des théologiens écoutés, dans la politisation de l’Evangile.
Ils avaient accueilli le Concile avec joie parce qu’ils y avaient vu l’annonce d’un rajeunissement, une certaine souplesse apportée à des structures et à des règles que le temps avait peu à peu durcies, un accueil plus fraternel à tous ceux qui cherchent la vérité et la justice sans avoir encore le bénéfice du grand héritage de l’Eglise. Mais ce qui est advenu n’a pas répondu à leur attente. Ils ont l’impression désormais d’assister au sac de Rome. 
N’est-ce pas vous-même, très Saint-Père, qui avez parlé de l’autodémolition de l’Eglise? Le fait est qu’en France cette autodestruction bat son plein — et nous en sommes les témoins.
De Mgr Lefebvre et du séminaire d’Ecône, ces catholiques du rang connaissaient fort peu de chose. Mais ce qu’ils en apprenaient peu à peu par les journaux, la radio et la télévision leur était plutôt sympathique. Mgr Lefebvre avait passé le plus clair de sa vie dans une activité de missionnaire, il avait été délégué apostolique en Afrique. Votre prédécesseur, le Pape Jean XXIII, qui l’estimait beaucoup et l’aimait bien, l’avait nommé membre de la Commission centrale de préparation du Concile. Il avait formé des générations de séminaristes ; parmi les prêtres issus de ses séminaires, quatre sont devenus évêques et c’est vous-même qui aviez fait cardinal l’un d’entre eux, Mgr Thiandoum. Comment un tel évêque qui, toute sa vie, a servi l’Eglise de manière insigne pourrait-il y être soudainement un étranger ? N’est-il 
pas plutôt l’évêque dont Vatican II semble avoir tracé le portrait : un évêque fort dans la foi, orienté vers la mission, ouvert au monde à évangéliser ? Désolé de la ruine des séminaires français et convaincu que les vocations ne manquaient pas chez les jeunes, il a ouvert un séminaire qui, strictement fidèle aux normes mêmes de Vatican II et de la Congrégation de l’éducation catholique, proposait à ceux qui voulaient y entrer une vie de prière, d’étude et de discipline. Aussitôt les candidatures ont afflué et le séminaire s’est rempli. La très grande majorité de ces catholiques du rang dont nous parlons savent aujourd’hui tout cela.
L’unité de l’Eglise est l’argument que nous voyons partout mis en avant pour justifier les mesures sévères prises contre Ecône. Mais, très Saint-Père, que le petit noyau d’Ecône soit écrasé, et la division s’aggrave encore ! Car la division n’est pas entre Mgr Lefebvre et les autres évêques français. Elle est au sein même de l’Eglise hiérarchique. Il existe actuellement autant de rites, autant de pratiques, autant d’opinions qu’il y a d’églises, de prêtres, de communautés, de groupes et de groupuscules. C’est le pullulement de ces petits schismes intérieurs, c’est cette prolifération de religions particulières qui est la marque de l’Eglise de France car nous ne parlons que pour la France. Et la désobéissance à Rome, au Pape, au Concile éclate dans tout ce qui concerne la liturgie, le sacerdoce, la formation des séminaristes et la foi elle-même. D’étranges messes — parfois œcuméniques —, et qui n’ont rien à voir avec la messe de Paul VI, sont célébrées un peu partout dans la plus parfaite impunité. Toute « célébration eucharistique » serait-elle permise sauf la messe traditionnelle ? Toute église pourrait-elle être ouverte aux musulmans, aux israélites, aux bouddhistes et fermée aux seuls prêtres en soutane ? Tout dialogue serait-il bienvenu avec les francs-maçons, les communistes, les athées et condamnable avec les traditionalistes ? La hiérarchie, en France, tiendrait-elle davantage à imposer un certain esprit nouveau qu’à annoncer et à défendre les vérités de la foi ?
Voilà, très Saint-Père, ce que finit par se demander le peuple chrétien de la base, que nous évoquons ici. Chaque jour nous apporte les échos — de plus en plus forts, de plus en plus nombreux — de sa stupeur et de son angoisse. C’est pourquoi nous nous tournons vers vous, car vers qui un catholique se tournerait-il, sinon vers le Pape, successeur de Pierre, Vicaire de Jésus-Christ ? Nous déposons à vos pieds notre supplique. Quelle supplique ? Celle de l’amour et du pardon. C’est plutôt une plainte, un gémissement que nous espérons faire monter jusqu’à vous. Nous ne sommes pas versés dans le Droit canonique et nous ne doutons pas que des condamnations romaines aient des assises juridiques. Mais justement le juridique, le légalisme, le formalisme nous semblaient avoir été bannis, dans ce qu’ils peuvent avoir d’excessif, par Vatican II. Ce très grave procès fait à Mgr Lefebvre et à son séminaire ne pourrait-il être reconsidéré ? L’amour que vous éprouvez pour le peuple chrétien de France ne pourrait-il l’emporter sur une rigueur qui, frappant le plus notoire de nos défenseurs de la Tradition, achèverait de traumatiser irrémédiablement ce peuple ? La charité ne pourrait-elle inspirer la restauration de l’unité dans la vérité unique ? Il nous semble même que la messe traditionnelle et le sacerdoce de toujours seraient susceptibles de trouver leur place dans la consolidation et l’extension d’une Eglise qui n’a jamais cessé de garder ses dogmes et ses formes essentielles, à travers ses adaptations successives aux vicissitudes de l’Histoire. Que deviendrait une Eglise sans prêtres et sans messe ?
C’est par cet acte de confiance, très Saint-Père, que nous voulons témoigner de notre fidélité au Pontife romain, sûrs que nous sommes d’être entendus par le Père de tous les catholiques, détenteur des pouvoirs qui lui ont été remis dès l’origine par le Fondateur pour conduire l’Eglise jusqu’à la fin des siècles.>>
Michel de Saint Pierre
président du Mouvement « Credo »,
Michel Droit,
Louis Salleron,
Jean Dutourd,
Henri Sauguet,
Colonel Remy,
Michel Siry,
Gustave Thibon

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