Le rêve de la vie

« Encore un exemple de la parodie de l'éternel dans le temps. L'homme hanté par le rêve d'une immortalité terrestre, oublie que sa vie n'est qu'un trait d'union éphémère entre le néant et l'éternité. Il met tout en œuvre pour ne pas penser à sa mort : littérature de fuite et d'évasion, divertissements, assurance contre tous les risques, narcotiques du corps et de l'âme, escamotage des cadavres, suppression du deuil, oubli des défunts : autant d'écrans interposés entre lui et sa tombe qui se creuse…
Mais par un étrange paradoxe, en même temps qu'il se veut immortel comme individu, il néglige et laisse mourir autour de lui les entités sociales et spirituelles qui donnent un sens à sa chétive existence : les familles, les patries, les traditions, les religions, toutes les trames dont il est le fil... Peu lui importe que les civilisations soient mortelles pourvu que l'individu soit sauf. Anticipation frauduleuse sur la vie d'outre-tombe où les organismes sociaux disparaîtront tandis que les âmes entreront dans l'éternité. 
Ici-bas, c'est le contraire qui doit se produire : comme le fleuve qui demeure à travers la fuite des vagues, les collectivités sont faites pour survivre aux individus. C'est ce que sentaient nos aïeux en subordonnant l'individu à la famille et à la Cité et en mettant, dans tous les domaines, l'héritage au-dessus de l'héritier. Aujourd'hui, pour renverser le ciel sur la terre, on perd à la fois la terre et le ciel. »
Gustave Thibon, 𝘈𝘶 𝘴𝘦𝘤𝘰𝘶𝘳𝘴 𝘥𝘦𝘴 𝘦́𝘷𝘪𝘥𝘦𝘯𝘤𝘦𝘴 : 𝘉𝘪𝘭𝘭𝘦𝘵𝘴

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